mercredi 17 septembre 2008

L’Afghanistan

L’Afghanistan est un des grands défis de notre époque. Le problème est difficile car ce pays a été impliqué dans des conflits qui durent depuis des dizaines d’année, pour ne pas dire des siècles laissant le pays dans un état de ruines lamentables.

C’est un lieu de passage commercial séculaire et depuis quelques années un pays important pour le transit du pétrole et du gaz. Ceci pourrait expliquer pourquoi la solution est si difficile car il y a des intérêts plus grands que la libération des femmes et des petites filles en jeu.

Mes premiers souvenirs des Talibans, étrangement, viennent d’un classique du cinéma américain, Rambo. Souvenez-vous les Talibans c’étaient les bons qui aidaient Rambo contre les Soviétiques, ils galopaient devant les chars russes! En fait, nous savons maintenant que le gouvernement américain durant l’administration Carter et plus encore celle de Reagan voulait que l’occupation de Moscou soit son Vietnam. Pour cela, ils étaient prêts à s’allier au diable et ils l’ont fait : ils ont aidé tout le monde, y compris le sinistre Ben Laden – ils lui ont tout appris et l’ont financé généreusement. Il n’a pas été reconnaissant. Le gouvernement américain a soutenu l’Arabie Saoudite pour qu’elle appuie les moudjahiddins et a ainsi permis la croissance rapide des Talibans, importés du Pakistan voisin. Et les Talibans ont gagné, sans Rambo mais avec le gouvernement américain. Pour les Soviétiques et les Afghans le coût fut immense selon Wikipedia : Au total, durant leur 110 mois de présence militaire, plus de 900 000 Soviétiques servirent en Afghanistan, 14 000 furent tués et 75 000 blessés, 800 hélicoptères et avions, 1 500 blindés et plusieurs milliers de véhicules ont été détruits. Le coût financier pour l'URSS est estimé entre 2 et 3 milliards de dollars par an. Les pertes afghanes (tous bords confondus) sont estimées à 1 242 000 morts dont 80 % de civils. On estime que 30 pour cent de la population avait quitté le pays ou s’était déplacé à l’intérieur des frontières.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Afghanistan_(1979)

Washington n’avait rien à dire sur les victimes et encore moins sur le sort des femmes afghanes sous un gouvernement taliban, pas plus que maintenant sur le sort des femmes saoudiennes ou autres. Ce n’était pas important. Le but était d’affaiblir l’Union soviétique. Seul les groupes de femmes plus impliquées protestaient et protestent car sans égalité des hommes et des femmes, il n’y a pas d’égalité possible dans un pays.


L'Afghanistan ‘libéré’ deviendra un camp d'entraînement pour les terroristes islamistes, et c'est en Afghanistan qu'ont été formé les terroristes qui causeront les attentats du 11 septembre. Lorsque Ben Laden a attaqué les USA, il fallait réagir. Un tel crime ne pouvait rester impuni. Mais avons-nous fait les bons choix? Il n’est pas inutile de rappeler qu’immédiatement après les attentats, les dirigeants Talibans se disaient d’accord pour envoyer Ben Laden au Pakistan pour qu’il soit jugé et que le gouvernement américain puisse prouver son implication. Il était peut-être possible de juger Ben Laden devant une cour et ainsi éviter une guerre et montrer à des millions de personne vivant dans cette partie du monde qu’il était un criminel et certainement pas un combattant de la liberté. Malheureusement, nous avons opté pour bombarder sans attendre le pays. Les Nations-Unies se sont impliquées afin de faire justice. Le résultat est désastreux car après tant d’années de combats, tant de morts, on constate que Ben Laden court toujours et pire il est plus que jamais capable de recruter et de former des nouveaux membres et multiplier sa présence dans de nombreux pays. Peut-être la stratégie militaire n’était pas la meilleure. Allons-nous répéter l’erreur des Soviétiques?


Après coup sont apparus de nouvelles justifications pour justifier notre présence, comme le besoin de chasser les Talibans du pouvoir et bien sûr libérer les femmes et les petites filles. La tâche est noble mais elle a surtout servie de justification très populaire chez nos élus. La guerre avec l’Irak a ralenti l’effort militaire américain et accru celui des Canadiens. On lit maintenant tous les jours que les bombardements aériens, responsabilités du gouvernement américain, touchent de plus en plus les civils. Toutes ces victimes civiles donnent un souffle nouveau aux Talibans qui ont de plus en plus de soutiens dans la population en général. Et les petites filles n’ont pas connu la libération annoncée, loin de là. Écoutez ce que Malalai Joya, députée afghane chassée de son pays pour dénoncer la corruption (un mal dénoncé durement par le Ministre Bernier, spécialiste du sujet, lors d’une visite funeste pour son propre mandat à Kandahar) déclarait en 2006 :

« Sous le régime des Talibans, le ministère du Vice et de la Vertu est devenu le symbole d’abus arbitraires, surtout aux dépens des femmes et des filles afghanes. Pourtant, aujourd’hui, le cabinet afghan a décidé encore une fois de rétablir ce ministère horrible plutôt que de se concentrer sur les besoins criants de la société afghan » (http://www.npd.ca/page/4329)

Notez que c’est lors d’une visite de M. Harper que cette députée s’est exprimée et qu’elle fut chassée. Et oui, notre Premier ministre, un grand défenseur des droits des femmes n’a rien dit alors ou depuis. Au Québec on dit que ‘qui ne dit mot, consent’, je déduis qu’il était d’accord avec le rétablissement du ministère du Vice et de la Vertu. Et on continue de vous dire que l’on est là pour libérer les femmes et les petites filles… Si c’était vrai, cela se saurait, non?

Les Canadiens ont perdu près de 100 soldats pour une cause douteuse; près de 6000 soldats sont là-bas avec des moyens peu ou pas adaptés pour remplir une mission mal définie.

Par ailleurs, si l’on comptabilise les rares données sur les morts afghans on parvient déjà à 60,000 morts depuis le début du conflit (10000 morts directes, 50000 morts indirectes). Des morts qu’il faut ajouter à la guerre des Soviétiques.

On ne peut pas laisser les Afghans enterrer en paix leurs morts?


Nous en sommes là, et le Canada plutôt que de se concentrer sur que l’on sait le mieux faire, l’aide humanitaire et le maintien de la paix, des domaines où nous avons acquis une réputation internationale et le respect de tous, M. Harper et avant lui les Libéraux ont sacrifié ce capital si précieux, pour nous engager dans une voie sans issue. Je vous invite à lire les positions du NPD sur le sujet

http://www.ndp.ca/xfer/pdf/2007-06-19_Dissenting_Opinion.pdf)

Notre engagement est loin d’être un modèle de clarté. Les Nations-Unies sont présent, via l’OTAN, les USA sont présents à titre particulier. Nous sommes présents dans le cadre de l’OTAN mais plusieurs de nos alliés ne veulent pas participer à nos efforts. Il doit bien y avoir une raison pour avoir une telle confusion. Peut-être que cela explique pourquoi on ne va nulle part et même qu’on est en train de perdre la guerre après avoir perdu la paix.

Nous devons rebâtir le pays non pas avec des armes mais avec de l’aide. Il faut lutter contre la corruption qui a envahi toute l’administration afghane – les experts croient qu’elle vit largement du commerce de l’héroïne et autres contrebandes, sans compter le pillage des ressources internationales.

Afin de parvenir à un accord de paix il faudra également arriver à une entente avec les grandes puissances régionales soit le Pakistan, la Russie et l’Iran. On ne peut pas parler seulement à nos amis! A l’occasion il faut discuter avec ceux que l’on méprise à tort ou à raison.

Il faut finalement avoir confiance dans le peuple afghan qui saura, trop lentement sans doute, trouver la voie vers la modernité et abandonner l’obscurantisme des Talibans. Les Afghans sont les seuls qui peuvent gagner la guerre.

Le Canada doit par ailleurs cesser d’utiliser toutes ses ressources en Afghanistan pour pouvoir être présent ailleurs. Nos ressources font maintenant cruellement besoin chez nos amis en difficulté. Nos soldats seraient très utiles aujourd’hui en Haïti après les ouragans meurtriers.

La mission en Afghanistan a été lancée sans préparation, sans étude, sans livre blanc, alors que c’est le plus important changement depuis des décennies dans nos politiques de défense et des affaires étrangères. Cela se voit, nous allons vers l’inconnu et rapidement vers le désastre.


Il faut redonner la parole aux ONG et écouter des gens comme Marc André Boivin du groupe montréalais Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, qui déclarait devant le comité : « NGOs were present in Afghanistan long before any foreign military personnel were there, and the NGOs’ concern at seeing their efforts so politicized is a serious one, because if they’re seen as biased to one party or to the other, the Taliban or whichever insurgent will say, well, the grain you’re providing is for the international effort, so we’ll shoot you up. And that’s it. You will not be able to provide any aid at all.”

Ou encore, Gerry Barr du Conseil canadien pour la coopération internationale qui renforçait ces propos devant le même comité en soumettant une déclaration signée par 34 ONG présente en Afghanistan, un message sans ambigüité selon lui : « The deliberate confusion of military and humanitarian actors in Afghanistan is seriously ampering the ability of NGOs to deliver aid to all communities in need ».

Nous ne devons pas continuer cette mission jusqu’en 2011, nous ne pouvons plus lutter contre la résistance et favoriser les bombardements de villages dans l’espoir d’atteindre des terroristes. Il n’y a pas d’exemple de démocratie imposée par une puissance envahissante. Cette folie doit cesser. Le Canada doit plutôt prendre le leadership aux Nations-Unies pour trouver une solution régionale et globale autour d’une table de négociation. L’Empire britannique a échoué au début du XXième siècle dans ses tentatives de contrôler l’Afghanistan. L’Union soviétique a fait faillite en raison du coût de sa tentative de contrôler l’Afghanistan. Le passé est souvent garant de l’avenir. Nous devons éviter que l’histoire se répête. Il faut mettre un terme à notre mission maintenant, cette année, et changer le cours de l’histoire

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